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Votre expert des associations

18-10-23 – Associations et contributions volontaires en nature : la métaphore de l’iceberg…

Iceberg, iceberg,… encore un article appuyant son propos sur le Titanic ? Et bien non, même si l’illustre histoire du naufrage de ce paquebot reste à jamais associée à un tel bloc de glace, elle n’en a pas le monopole !

Dans ces lignes, il est question des contributions volontaires en nature et de leur importance pour les associations.

Ainsi, si une association est comparée à un iceberg, imaginons que les flux financiers sont représentés par sa partie visible… Les contributions en nature, non visibles, ne correspondent-elles pas à la partie immergée de l’iceberg ?

Nous allons aborder trois angles :

  • Soyons concrets : de quoi parle-t-on ?
  • « Valoriser »… Pourquoi ? Pour qui ?
  • Comment valoriser : bonnes pratiques !

L’objectif est une prise de conscience. La valorisation en tant que telle et les aspects comptables (enregistrement ou non, comptes à utiliser, etc.) ne sont pas traités dans cet article.

Au préalable, avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques constats bruts.

Depuis plusieurs années, indéniablement, la situation des finances publiques en France conduit à une raréfaction des ressources publiques. Cet état de fait a été relayé à de nombreuses reprises, dans différentes études. Parmi les plus connues, celle de Viviane Tchernonog, montre qu’en 2005, la part des subventions publiques (hors recettes d’activités publiques) s’établissait à 34,3 % des ressources annuelles des associations. Elle s’affaisse à 24,7 % en 2011 et l’actualisation en cours de cette étude ne devrait pas rompre avec cette tendance.

Cette évolution conduit les associations à trouver nécessairement et sans délai de nouveaux modèles économiques ou de nouvelles ressources.

Quand ce qui est payant est par définition « trop cher… », le recours à ce qui est « gratuit » demeure une piste à privilégier : ce sont les contributions volontaires en nature.

Toutefois, nombreuses sont les associations à éprouver des difficultés pour renouveler leurs bénévoles et leurs mécènes. L’engagement associatif n’est pas un vain mot, sa mise en pratique est plus délicate.

D’autant plus que, davantage que par le passé, la professionnalisation s’avère l’un des facteurs clé de réussite, ce qui conduit à une recherche de compétences pour œuvrer dans les associations.

Donc, pour provoquer la réflexion, une simple question… : « Que deviendrait votre association si elle devait financer ce qui, aujourd’hui, lui est octroyé gratuitement ? »

Soyons concrets : de quoi parle-t-on ?

Juridiquement, il n’existe pas de définition officielle. Pour la seule et unique fois dans ces lignes, orientons-nous vers la comptabilité…

Selon le règlement CRC n° 1999-01 de février 1999 relatif aux modalités d’établissement des comptes annuels des associations et fondations, les contributions en nature « correspondent au bénévolat, aux mises à disposition de personnes par des entités tierces, ainsi que de biens meubles ou immeubles ».

Cette définition a été reprise et étoffée dans le nouveau règlement de l’ANC n° 2018-06 relatif aux comptes annuels des associations (succédant au règlement CRC n° 1999-01). La contribution en nature y est définie comme « l’acte par lequel une personne physique ou morale apporte à une entité un travail, des biens ou des services à titre gratuit. Ceci correspond à :

  • Des contributions en travail : bénévolat, mises à disposition de personnes ;
  • Des contributions en biens : dons en nature redistribués ou consommés en l’état ;
  • Des contributions en services : mises à disposition de locaux ou de matériel, prêt à usage, fourniture gratuite de services. »

Donc, en pratique, cela recouvre principalement :

  • Les dons en nature ;
  • Le bénévolat ;
  • Le mécénat de compétences ;
  • La mise à disposition de locaux ;
  • La mise à disposition de matériel ;
  • Les marchandises obtenues gratuitement ;
  • Les remises exceptionnelles sur achats.

Précisons au besoin ce que cela ne concerne pas :

  • Les dons en numéraire ;
  • Les donations et les legs ;
  • Les salariés de l’association ;
  • Les subventions en numéraire.

De manière simplifiée, les contributions volontaires en nature peuvent être définies en pratique comme toutes les ressources dont bénéficient l’association sans que ce soit elle qui décaisse la somme nécessaire aux biens ou aux services dont elle jouit. C’est le mécène qui « règle la note » et il n’y a ni flux de trésorerie sortant, ni flux de trésorerie entrant pour l’association bénéficiaire.

Par exemple, pour une mise à disposition de locaux, le loyer est acquitté par le mécène ou non facturé à l’association.

Le bénévolat étant de loin la première des contributions en nature bénéficiant aux associations, il est utile d’en présenter l’ampleur.

Rappelons qu’un bénévole est une personne qui fournit librement, de sa propre initiative et à titre gratuit une « prestation de travail » pour une personne ou un organisme. Il n’existe aucun lien de subordination et aucune rémunération n’est perçue par celui-ci.

Comparativement à une personne mise en situation de mécénat de compétences, c’est-à-dire un salarié mis à disposition d’une association durant son temps de travail, le bénévole exerce cette activité durant son temps libre, de loisirs.

Selon les sources, le nombre de bénévoles en France se traduit par 680.000 et 1.090.000 emplois en équivalent temps plein (sources : respectivement INSEE Première et Enquêtes Paysage associatif). Dans le même temps, l’estimation du volume de travail salarié dans les associations est estimée à 1,3 à 1,5 million d’emplois à temps plein (sources : respectivement INSEE Première et INSEE CLAP).

L’analyse de la répartition des heures de bénévolat par domaine d’activité principal est riche d’enseignement (INSEE Première, mars 2016, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908153).

On constate ainsi que plus les associations évoluent dans un environnement « professionnalisé » (santé, hébergement social ou médico-social, enseignement notamment), moins le recours aux bénévoles se révèle important.

Il est logique de rencontrer davantage de bénévoles dans les associations sportives, culturelles, de loisirs, de vie sociale, etc.

D’ailleurs, la répartition des heures de travail rémunérées des salariés des associations par domaine d’activité principal montre des résultats symétriques. Par exemple, 4% des heures de travail rémunérées des salariés des associations sont effectuées dans les associations sportives alors que ces mêmes associations recueillent 26% des heures de bénévolat.

« Valoriser »… Pourquoi ? Pour qui ?

La valorisation des contributions volontaires en nature permet de donner une vision économique globale de l’activité, de ses actions et projets… soit de valoriser l’iceberg dans sa totalité, partie émergée et partie immergée…

Elle traduit le volume réel d’activité et ne se limite pas à une simple vision financière, en flux de trésorerie.

Dit autrement, ce n’est pas parce qu’une ressource ne passe pas par la case « Banque » qu’elle n’existe pas !

Dans les faits, le nombre d’associations vivant (voire survivant) grâce aux contributions en nature est important, mais peu d’entre elles les chiffrent et les affichent.

Les objectifs incontournables de la valorisation des contributions volontaires en nature sont, de :

  • Mieux appréhender les ressources et les coûts réels d’un projet associatif ;
  • Mesurer le poids et l’étendue du champ d’intervention de l’association ;
  • Relativiser les frais de fonctionnement, de gestion administrative ou de collecte de fonds au regard du nombre réel d’intervenants dans l’action et la structure.

Tout cela sans oublier, d’une part, un enjeu de communication essentiel et, d’autre part, le fait que les contributions volontaires en nature accentuent le but « non lucratif » de l’association.

La valorisation et l’affichage des contributions volontaires en nature trouvent un écho fort au sein de l’association :

  • Pour les contributeurs : marque de reconnaissance, remerciement indirect lorsque cette information est communiquée lors de l’assemblée générale ;
  • Pour les bénévoles : argument de mobilisation et de recrutement, compte-rendu de l’utilité sociale du bénévolat, remerciement indirect lorsque cette information est communiquée lors de l’assemblée générale.

L’impact se révèle également précieux vis-à-vis des tiers :

  • Pour les financeurs (donateurs, etc.) : image fidèle des comptes annuels, transparence, sincérité et confiance ;
  • Pour les financeurs publics et l’effet de levier afférent : possibilité d’indiquer qu’il existe des apports privés qui viennent en complément des financements publics pour éviter que les financeurs publics estiment l’apport privé insuffisant par rapport à leur financement et demandent un autofinancement minimum.

Enfin, il ne faut pas négliger l’enjeu fiscal !

La valorisation des contributions volontaires en nature a un impact pour l’association sur le caractère prépondérant des activités non lucratives ainsi que sur le caractère désintéressé de la gestion.

Pour les mécènes, le régime du mécénat et des réductions d’impôts est en jeu :

  • Pour les entreprises : mécénat de compétences, dons en nature ;
  • Pour les bénévoles : indemnités kilométriques, abandon de frais (dispositif, assez peu connu, permettant sans décaissement pour l’association de dédommager les bénévoles).

Comment valoriser : bonnes pratiques !

Il convient de garder à l’esprit que l’objectif consiste à disposer d’une information fiable et la plus exhaustive possible.

Sa concrétisation passe par :

  • La mise en place d’un dispositif fiable de recensement des informations ;
  • Le choix d’unités de mesures pertinentes ;
  • L’instauration de dispositifs de contrôle pour s’assurer de la cohérence et de la fiabilité des données collectées.

Doit donc être mis en place un processus d’identification, de recensement des informations et des procédures écrites, mentionnant explicitement les objectifs, l’organisation et les principes de valorisation.

Les outils et règles de recensement doivent être simples à comprendre et à utiliser par tous :

  • Logiciels, site internet, etc. ;
  • Rubriques à renseigner ;
  • Unités de mesure quantitative ;
  • Documentation à joindre : pièces, etc.

Prenons des exemples de méthodes de valorisation.

Pour le bénévolat :

  • Renseigner des fiches de suivi de temps par le personnel bénévole ;
  • Valoriser le temps (« Monétisation ») : estimer un taux horaire, charges sociales et fiscales incluses, correspondant à la rémunération prévue pour la qualification de la personne concernée selon la convention collective ou la grille des salaires la plus proche de l’emploi exercé (ou appliquer le taux horaire du Smic, charges sociales et fiscales incluses, s’il n’est pas possible d’estimer un autre taux horaire).

Pour les dons en nature, tels que la mise à disposition de locaux ou de matériels :

  • Tenir des fiches précisant les caractéristiques du ou des biens reçus ;
  • Demander au mécène une facture pro forma ou tout autre document permettant de déterminer la valeur du bien à la date de sa remise ;
  • Retenir la valeur locative au m² du marché local dans le cadre de mises à disposition de locaux ;
  • Dans tous les cas, retenir le coût minima afin d’éviter de présenter des charges mal évaluées.

Pour le mécénat de compétences :

  • Identifier la prestation de service rendue et la comparer au prix du marché (convention à signer préconisée) ;
  • Recueillir la valorisation par le mécène au prix de revient (et non au prix de vente).

Pour le soutien des collectivités territoriales, depuis la loi « ESS » de juillet 2014, la valorisation est censée figurer dans la convention.

En conclusion

Petit clin d’œil tout même au Titanic en conclusion…

Si votre association n’appréhende pas correctement l’importance de ses contributions volontaires en nature et qu’un jour elle est amenée à payer pour les moyens dont elle dispose aujourd’hui gratuitement ou à rechercher les ressources nécessaires à les couvrir, elle peut tout simplement « couler ».

Dit autrement, en dehors des secteurs très professionnalisés, peu d’associations s’avèrent viables sans leurs contributions en nature.

Sans les contributions volontaires en nature, le « VRAI » poids des activités de l’association et de ses moyens n’est pas affiché et connu.

A noter que cette obligation d’information est renforcée dans les comptes annuels des associations selon les dispositions du nouveau règlement comptable de l’ANC n° 2018-06 (remplaçant le règlement CRC n° 1999-01). Il est intéressant de noter que les dispositions infra-réglementaires parlent de « sensibiliser les utilisateurs de l’information financière (internes et externes) sur l’absence de pérennité de cette « ressource »».

Non seulement, il est impératif d’intégrer le travail des bénévoles et les autres contributions en nature dans le projet pluriannuel de l’association, dans ses politiques d’investissement, de financement, d’organisation et de contrôle.

Mais, Il est nécessaire d’avoir une vision prospective pour assurer la pérennité du projet associatif.

Donc, en conclusion, il faut ANALYSER et VALORISER, les contributions en nature sous toutes leurs formes !

PS : Article synthétisant l’atelier co-animé avec Delphine Philipon, expert-comptable, membre du Comité secteur non-marchand du CSOEC au Forum national des associations le 17 octobre 2018, « Vos contributions volontaires en nature (bénévoles,…) : ça n’a pas de prix, mais bien une vraie valeur ! »  

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